mercredi, septembre 17 2014

Campagne de Papouasie, leg sur le navire de l'IRD , l'Alis : Où sont les mâles ?

Billet de Laure Corbari

L’exploration de la zone bathyale au large de Kavieng (Nouvelle Irlande) nous a réservé quelques belles et étonnantes surprises. Dans la zone nord de Kavieng côté Océan Pacifique, à 800 m de profondeur, notre chalut a ramené dans ces filets un étonnant crustacé. L’étrange langouste profonde du genre Thaumastocheles possède une paire de chélipèdes d’allure étrange et de taille inégale. Les différentes espèces du genre Thaumastocheles (5 espèces connues actuellement) sont reconnaissables par les variations de formes de leur chélipèdes. Il est exceptionnel de collecter ce genre d’organisme difficilement capturable car vivant dans de profonds terriers. Ces langoustes profondes demeurent donc rares et la plupart des espèces ne sont connues que de peu de spécimens et parfois d’un seul sexe. De récentes observations suggèrent qu’il existerait un dimorphisme sexuel chez ces espèces, portant essentiellement sur la morphologie du plus large chélipède. Ceci engendrerait donc une révision complète du groupe. Lors de la campagne Madang 2012, le long de la côte est de la Nouvelle Guinée, un spécimen de Thaumastocheles a été collecté en mer de Bismarck. L’étude de ce nouveau spécimen ainsi que l’analyse phylogénétique des espèces de ce groupe a permis la description d’une nouvelle espèce Thaumastocheles massonktenos.


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Thaumastocheles massonktenos, specimen femelle collecté lors de la campagne Madang 2012  © L.Corbari-MNHN-PNI-IRD / expédition Madang


L’ensemble des spécimens connus de cette espèce ne sont que des femelles. La collecte d’un spécimen mâle lors de la campagne Kavieng va permettre de tester l’hypothèse de dimorphisme sexuel chez cette espèce et d’étendre ces conclusions à l’ensemble du groupe. La découverte de ce mâle nous éclairera sans aucun doute sur les mystères des Thaumastocheles.


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Thaumastocheles massonktenos, specimen mâle collecté lors de la campagne Kavieng  © L.Corbari-MNHN-PNI-IRD / expédition Kavieng


mardi, septembre 16 2014

Soutenance d'une thèse réalisée en grande partie grâce aux collections enrichies par les expéditions de "La Planète Revisitée"

Lee Ann Galindo, une de nos malacoexploratrices a soutenu sa thèse hier.
Beaucoup de ses spécimens d'étude proviennent des expéditions de "La Planète Revisitée". Je me souviens de ma rencontre avec Lee Ann en Papouasie à Madang. C'est elle qui m'avait expliqué la technique du micro-onde.
Des jours à faire des prélèvements de tissus sur des Mollusques Gastéropodes, des marées de nuit sur l'estran de petites îles du lagon, des immersions en eaux troubles dans les estuaires et les mangroves... après les collectes, tout ce travail de recherche pour soutenir ce 15 septembre 2014.
Thèse qu'elle a obtenue avec les félicitations du jury !

Sujet : "Phylogénie, espèces cryptiques et endémisme chez les Nassariidae : approche intégrative".

La thèse a été soutenue publiquement devant le jury composé de :
- Yuri Kantor, Professeur, Russian Academy of Sciences (rapporteur)
- Rafael Zardoya, Professeur, Museo Nacional de Ciencias Naturales Madrid (rapporteur)
- Serge Gofas, Professeur, Universidad de Malaga (examinateur)
- Thierry Backeljau, Professeur, Royal Belgian Institute of Natural Sciences (examinateur)
- Stéphane Hourdez, CR1 CNRS-UPMC, Station Biologique de Roscoff (examinateur)
- Pierre Lozouet, Ingénieur de Recherche, Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (examinateur)
- Philippe Bouchet, Professeur, Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, (directeur de thèse)
- Nicolas Puillandre, Maitre de Conférences, Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (encadrant)

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Lee Ann Galindo dans le laboratoire de terrain © Thierry Magniez-MNHN-PNI / expédition Madang

Résumé par Lee Ann :
Les Nassariidae appartiennent à un groupe de mollusques charognards qui se sont diversifiés sur les fonds meubles et les rivages rocheux, et font l'objet de nombreuses recherches en écologie, écotoxicologie et paléontologie. Une faible et/ou apparente variation continue des caractères de la coquille a donné lieu à une systématique confuse, ce qui a faussé les études écologiques et évolutives. Plus de 1330 espèces nominales ont été établies pour les espèces récentes dont 448 sont actuellement considérées comme valides, autrefois réparties en quatre sous-familles et neuf genres. Une analyse moléculaire basée sur trois gènes mitochondriaux (COI, 16S, 12S) et deux gènes nucléaires (28S, H3) a été réalisée en utilisant un ensemble de données qui comprend 50% de la diversité connue de la famille. Selon les interprétations classiques, la monophylie des Nassariidae n’est ici pas confirmée, à moins d’y inclure plusieurs genres de Buccinidae dans la famille. Ces résultats ont un impact profond sur la taxonomie des nasses, en particulier en ce qui concerne la validité des noms au niveau du genre. La validité de six sous-familles et seize genres est discutée. Une reconstruction des caractères ancestraux et l'estimation des temps de divergence ont permis d'inférer l'histoire évolutive du clade afin d’expliquer la répartition géographique et d'identifier les caractères informatifs qui pourraient être utilisés pour la taxonomie opérationnelle à différents niveaux. Les caractères de la coquille restent utiles pour reconnaître les espèces de Nassariidae mais insuffisants pour définir des relations phylogénétiques. Les étalonnages fossiles indiquent une origine crétacée des nasses. Une approche intégrative de la taxonomie a également été appliquée pour discuter la délimitation d’espèces fondée sur les caractères de la coquille uniquement. Plusieurs cas de complexes d'espèces, y compris d’espèces cryptiques ont été détectés, permettant de constater que de nombreuses espèces attendent toujours d'être décrites dans la famille des Nassariidae.  




lundi, septembre 15 2014

DE L'ALCOOL

Guyane hauturier leg 2, billet3 de JC :

L'alcool, produit de consommation humain est un liquide précieux et incontournable sur toute expédition scientifique: en effet tout stockage correct des spécimens nécessite une immersion dans un alcool assez pur à au moins 70 %, comme me le signalait Laure Corbari Chercheuse au MNHN et Conservatrice des collections de crustacés qui est de quasiment toutes les expéditions de la planète revisitée, ces derniers temps!


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Laure sous l’averse court chercher de l’alcool au bidon © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Stéphane Hourdez qui travaille à Roscoff comme responsable d'une équipe de 7 chercheurs et qui est spécialiste du taxon des vers marins récupère l'ensemble des vers des expéditions diverses, dont celles auxquelles il participe (A Dumont d’Urville en terres australes françaises, me disait-il d'un air gourmand!) à des fins d'identification et est très connaisseur en alcool de conservation. Il m'a dit que l'estomac humain est davantage tolérant au niveau des impuretés incluses dans l'alcool, teneur en acide acétique, et les plantes bizarres ou fruits que les hommes y ajoutent, pommes poires, scoubidous, génépi et autre verveines.... Point de ça pour la conservation: l'alcool doit être le plus pur possible et comme il en faut, me disait-il environ 200 litres par jour, c’est un vrai problème logistique! Chaque matin, sur le bateau, il prépare à partir des bidons d’alcool pur un mélange eau- alcool à 70%, le bidon de 25 litres est suffisant pour la consommation de la journée, pour le petit matériel, non ensaché et mis dans des tubes remplis d’alcool.


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Gustav immerge un spécimen dans un tube rempli d’alcool © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


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Stéphane prépare l’alcool à 70 avec le densimètre © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


La plupart des spécimens, après photographie à sec ou bien dans l’eau comme ce poisson plat sont ensachés ensuite dans des sacs plastiques scellés à chaud avec la scelleuse.


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le poisson plat attend la photographie © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


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Gustav photographie les spécimens © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Et comme la scelleuse et les sacs sur leurs dérouleurs sont dans le laboratoire humide, on franchit 100 fois par jour le seuil (élevé) de la porte du labo !


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les sacs sur leur dérouleur © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


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les sacs et les poissons passent à la scelleuse © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Et dument étiquetés, de manière codifiée.


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les sacs scellés et étiquetés sont prêts à être percés © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Puis le sac, percé de nombreux trous est ensuite immergé dans les bidons bleus étanches, eux même remplis d’alcool (ou blanc et rouge pour les poissons plutôt conservés dans le formol, plus efficace en ce cas). Les petits tubes subissent le même sort et finissent eux aussi dans les bidons bleus.


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les bidons remplis d’alcool et de formol © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


mardi, septembre 9 2014

Guyane hauturier leg 2, deuxième billet de JC

Faisons connaissance avec mes compagnons de voyage. Cyndie, cette jeune femme souriante de 27 ans est gestionnaire de collection (invertébrés marins) au MNHN mais aussi une technicienne confirmée, capable d’effectuer avec rigueur, en conditions de terrain, souvent difficiles les gestes indispensables à la conservation et l’enrichissement des collectes, futurs apports aux collections. Elle a ces derniers temps effectué de nombreuses missions dans le cadre de la planète revisitée en particulier à Madang puis Kavieng, en Papouasie Nouvelle Guinée et y a effectué des tâches de préparation et de conditionnement des échantillons.


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Cyndie dupoux au premier soir © Cyndie Dupoux-MNHN-PNI / expédition Guyane


Durant cette mission, outre le travail obligatoire de tri des échantillons auquel elle participe comme nous tous, elle prépare dans le laboratoire humide du Hermano Gines, notre chalutier, les spécimens prélevés pour rendre le barcoding possible, en rentrant au Muséum, à Paris.


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Laboratoire humide du navire © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Tout comme Lee-Ann Galindo l'a fait pour le Leg 1, elles sont toutes les deux grandes utilisatrices du four à micro-ondes !


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LE four à micro ondes dans le laboratoire humide © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


En effet, comme me l'a expliqué Lee Ann, qui a rédigé un article scientifique à ce sujet, en particulier pour les mollusques gastéropodes pour sortir les animaux de leur coquille le plus facilement sans les endommager, un petit passage au feu des ondes est nécessaire! De plus, il semble que ce procédé stabilise les individus en ce qui concerne la conservation de l'ADN avant leur mise en alcool. Pourquoi et comment? Le mystère reste entier, en effet l’article co-signé par Lee Ann et Philippe Bouchet ne se prononce pas sur le sujet. Un sujet de recherche à venir, peut être….

l'article en question

Cyndie va aussi prélever des tissus des spécimens qu’elle va mettre dans des micro tubes, dans de l’alcool, pour le barcode, toujours.


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Un vrac de mollusque (cône et bivalves) prêt à être traité pour entrer dans les collections © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Cette façon de procéder échantillonnage des spécimens récoltés, puis prélèvement de tissus ou mise en alcool de l’animal complet, semble aujourd’hui nécessaire, pour le groupe des mollusques car il faut bien lever les doutes pour la détermination des espèces ! Deux individus morphologiquement identiques peuvent néanmoins appartenir à deux espèces différentes et d’autres, très différents morphologiquement peuvent appartenir au même taxon. Compte-tenu de l’énorme diversité taxonomique du groupe des mollusques cette pratique est indispensable !

jeudi, septembre 4 2014

Guyane hauturier leg 2, premier billet de JC

Premier billet de JC (Jean-Claude Vasseur, Jeune professeur de SVT explorateur pendant ses vacances, académie de Versailles).
JC a participé pour la première fois à une expédition scientifique et il vous propose ses commentaires de terrain sous forme de différents billets.


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JC, notre professeur de SVT reporter explorateur © Cyndie Dupoux-MNHN-PNI / expédition Guyane


A l'aéroport d’Orly ouest, on arrive tôt, 8 heures du matin! Tôt quand on est comme moi un prof en « vacances » ! Normal pour ces chercheurs qui sont aussi de vrais aventuriers auxquels 40 heures de voyage pour rejoindre un hot spot de la biodiversité ne leur fait pas peur (Papouasie Nouvelle Guinée).


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Aéroport de Cayenne © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Là c’est beaucoup plus relax! « Juste » 9 heures d’avion et aucune escale jusqu'à Cayenne, notre destination, où Alice Leblond (responsable logistique de l’expédition) nous attend. Je retrouve Cyndie Dupoux gestionnaire de collection (invertébrés marins) au MNHN que j'ai déjà rencontrée dans son labo.


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Cyndie Dupoux au tamisage © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Mais aussi je fait connaissance avec Stéphane Hourdez, un homme aux allures de baroudeur et à la carrure sportive, qui est chercheur et chef d’une équipe à la station de biologie marine de Roscoff. Il est chercheur en écophysiologie dans l’Équipe Écophysiologie Adaptation et Évolution Moléculaires (CNRS - UPMC - INSU).


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Stéphane Hourdez à l'aéroport © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


Nous attendons un certain temps dans la salle d'embarquement, mais le temps passe agréablement car on en profite pour faire un peu connaissance... Stéphane m'explique la difficulté ,qui semble récurrente pour un chef d'équipe à gérer les aspects administratifs, indispensable au fonctionnement et en particulier la « pêche » au budget; Il me dit quand même, bon an mal an arriver à dégager le temps nécessaire pour effectuer deux missions de terrain et en particulier celle qui a lieu à Dumont D’Urville, la base antarctique qui prend à elle toute seule deux mois. Il me raconte aussi la difficulté et l'inconfort, sur le vieux navire austral qui assure le transit, « l'Astrolabe » surnommé parfois par les chercheurs le «Gastrolabe»! Cela donne une idée de l'instabilité de ce navire qui traverse les 40 ème et 50 ème rugissants et du mal de mer qui en découle pour ses infortunés passagers.... J’espère que cela sera différent pour nous sur le Hermano Gines! Le chalutier Vénézuélien de recherche, affrété pour l'occasion. Stéphane me rassure en me disant que j'ai bien des « chances » d’être atteint, comme la plupart par le mal de mer. Cool!


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Cyndie se prend pour un mérou © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane


En fait il y a des trucs, que tout baroudeur scientifique ou pas, sait: éviter les les 4 F (Froid, Faim, Fatigue, Foif. Et si tout ça ne marche pas, chacun y va de sa petite molécule active qu'on se procure en France ou à l'étranger. Cyndie ajoute à cette panoplie une touche de fantaisie avec des lunettes à positionner par-dessus ses yeux....ou ses lunettes de vue et qui lui confère un look étrange, quelque part entre un poisson des grands fonds et un clown à lunettes (pas le poisson!) mais elle nous assure que cela fonctionne! On va bien voir, dans trois heures, maintenant, le compte à rebours est commencé, on va embarquer. Il y a, en plus, de grandes chances que nous commencions le travail dès notre arrivée car le Leg1 a été amputé de plusieurs jours pour des questions logistiques. Les chercheurs sont impatients et enthousiastes! Moi juste inquiet, pour l'instant: mais dans quelle galère de professionnels ultra compétents me suis-je embarqué? Merci Thierry (correspondant pédagogique permanent) !


mardi, septembre 2 2014

Mission Kavieng Alis, Premier billet

Envoyé par Laure Corbari

Dans Asterix, tous les épisodes se terminent par un banquet sous la voute étoilée. Ici, à Kavieng, c'est le deuxième leg de la campagne KAVIENG qui commence par un banquet. Bon, enfin pas tout à fait un banquet (et il n'y a pas de sanglier ☺), mais le changement d'équipe à bord de l'Alis (navire de l’IRD, utilisé pour les legs) a été l'occasion de se retrouver pour un moment de détente convivial.


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Arrivée sur l'île de Nusa en Banana Boat © J. Abdelkrim-MNHN-PNI-IRD/expédition Kavieng


Retour sur les épisodes précédents :

30 juin 2014 : Les 35 participants à l'atelier du "Kavieng Lagoon Marine Biodiversity Survey" quittent Nago Island, d'où ils ont exploré la faune et la flore marine de ce lagon de 30.000 hectares s'étendant entre le bout de la Nouvelle-Irlande et l'ile du Nouveau-Hanovre.


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Vue aérienne de la baie de Balgai © Thierry Magniez-MNHN-PNI-IRD/expédition Kavieng


8 août : L'Alis arrive à Kavieng, la capitale de la province de Nouvelle-Irlande, après un périple extraordinaire qui, depuis la Nouvelle-Calédonie, le 25 mars, l'a emmené en Papouasie Nouvelle-Guinée puis jusqu'au Vietnam, puis ramené en Papouasie Nouvelle-Guinée pour charger à Madang les équipements et le matériel de pêche laissés par la campagne MADEEP.

11 - 25 août : L'équipe de Claude Payri conduit à bord de l'Alis, le premier leg de la campagne KAVIENG qui cible les algues, les coraux et la typologie des habitats, et complète ainsi les travaux effectués en juin dans le cadre du "Kavieng Lagoon Marine Biodiversity Survey".

26 août : L'équipe descendante (Claude Payri) et l'équipe montante (la notre) se croisent. C'est l'occasion de débriefer. C'est aussi l'occasion de marquer le coup vis à vis de tous ceux qui, à Kavieng, ont rendu possible ce programme d'expédition et facilité la logistique - scientifique, domestique et administrative -.


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Soirée sur Nuas island © J. Abdelkrim-MNHN-PNI-IRD/expédition Kavieng


D'où cette soirée du 26 qui réunit l'équipage de l'Alis, les équipes scientifiques des deux legs, le personnel de Nago Island Mariculture and Research Facility, les opérateurs locaux de plongée, le représentant de la National Fisheries Authority, le personnel de Nusa Island Retreat qui, en juin, a assuré notre bien-être domestique, et d'autres encore. Le "Kavieng Lagoon Marine Biodiversity Survey" est davantage qu'un simple projet de recherche. Par sa dimension (plus de 40 participants de 12 pays) et sa durée (de juin à septembre), le projet est aussi un véhicule de culture scientifique et technique. Lors de l'atelier à terre à Nago, en juin, nous avons organisé des journées "portes ouvertes" et fait visiter le laboratoire aux villageois de notre zone d'étude, qui - dans un mélange de curiosité et de défiance - se demandaient ce que nous faisions chez eux.


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Habitants de Tome visitant le laboratoire © Thierry Magniez-MNHN-PNI-IRD/expédition Kavieng


Nous avions également organisé des journées pédagogiques avec les lycéens des première et terminale scientifiques de la Our Lady of the Sacred Heart international school de Kavieng, et deux de ces lycéens ont fait avec nous un stage de 10 jours pendant lequel ils ont participé au travail de terrain, au travail de laboratoire, et partagé la vie de l'équipe.


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Laure Corbarie et les élèves pour une journée au laboratoire © Thierry Magniez-MNHN-PNI-IRD/expédition Kavieng


Ces deux chanceux - Jedidiah et Zony - étaient bien sûr de la partie ce 26 août, avec leur professeure de sciences, Rachael, et le "Principal" du lycée et son adjointe. Cette soirée était en quelque sorte un avant-goût de leur rencontre avec la Nouvelle-Calédonie, puisque Jedidiah, Zony et Rachael doivent s'envoler le 15 septembre pour Nouméa, pour participer à l'édition 2014 de la Fête de la Science, où ils seront à l'honneur dans les trois villages de la Fête, à l'invitation de l'infatigable Jacqueline Sirieix et son association Symbiose. Ce 26 août, la présence de l'Alis est déjà l'occasion de faire connaitre cette Nouvelle-Calédonie à la fois si proche et si lointaine, et la composition multi-ethnique de l'équipage - composé de "métros", de kanaks, de ni-vans, de wallisiens - fait d'ailleurs forte impression sur nos hôtes.


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Ile de Nago © J. Abdelkrim-MNHN-PNI-IRD/expédition Kavieng 


Ce 26 août, nous retrouvons donc notre cher vieux bateau, chargé jusqu'à la gueule. Le pont est en effet encombré du treuil hydrologique embarqué pour le Vietnam, et qui aurait dû être déchargé à Kavieng le temps de la mission. Seulement voilà, l'unique grue du port est en panne, et les quelques grues mobiles de travaux publics n'ont pas la capacité de décharger cet équipement de 5 tonnes. Il faudra donc organiser notre espace de travail auteur de cet encombrant treuil ; pas bien grave ! Ce 26 août, nous embarquons l'éthanol (pour les échantillons) - commandé à Singapour au mois de mars -, les perches (pour le chalut) - faites sur place à Kavieng -, et tout un assortiment de fûts, touques, et flaconnage, qui nous avions laissé à Nago Island depuis fin juin. Nous ressortons également des caisses, qui, en avril, avaient servi à la mission MADEEP, le petit matériel pour le tamisage, le tri et le laboratoire. Les pièces du puzzle sont assemblées, tout est prêt pour demain, notre premier jour de travail. Ce 26 août est notre première nuit à bord.

lundi, septembre 1 2014

Une expédition scientifique en Guyane pour "mettre le doigt sur des espèces rares, sans doute nouvelles"

Interview par Nolwenn Guyon pour Outre-mer 1° :

Huit chercheurs donnent ce lundi le coup d'envoi du programme de recherche scientifique "La planète revisitée" en Guyane. Zoom sur le module marin de l'expédition avec les explications de Laure Corbari, chercheuse spécialiste des crustacés au Muséum national d'Histoire naturelle.


 Conus geographus
© Nolwenn Guyon / la1ere.fr Laure Corbari fait partie des huit chercheurs qui explorent les fonds marins de la Guyane jusqu'au 11 août. L'expédition est menée par le Muséum national d'Histoire naturelle et Pro-Natura International.


La1ere.fr : Quelles sont les grandes lignes de cette expédition en Guyane ?

Laure Corbari : Une première partie de l’expédition commence le 21 juillet. Jusqu’au 11 août, on va faire de la pêche pour collecter des organismes qui se trouvent entre 80 et 1.000 mètres de profondeur. Puis à partir de septembre il y aura une deuxième partie, avec une équipe de plongeurs qui explorera les fonds qui se trouvent entre 0 et 70 mètres.

Quel est le but de ce travail ?

L’enjeu est de dresser un inventaire de la biodiversité, c’est-à-dire une liste des espèces présentes sur la zone, pour pouvoir mettre le doigt sur des espèces rares, sans doute nouvelles.

Est-ce-une opération inédite pour la Guyane ?

C’est vrai que très peu de travaux de biologistes ont été menés dans cette zone, il y a donc plein de choses à découvrir au large. L’objectif est vraiment de recueillir à bord le maximum d’espèces possibles. Les spécimens intégreront ensuite les collections du muséum.

Quelles zones allez-vous explorer ?

Les opérations auront lieu sur le plateau continental, autour des îles du Grand Connetable et autour des îles du Salut.

Y-a-t’il des spécificités auxquelles vous vous attendez ?

Je suis assez habituée à partir en expédition dans le Pacifique, avec des missions en Nouvelle-Calédonie, aux Philippines, en Papouasie-Nouvelle-Guinée,… Pour ce qui est de l’Atlantique, je sais que la faune sera moins diversifiée. Mais je pense que par l’expérience de notre équipe et notre capacité à échantillonner, on va pouvoir trouver des choses très intéressantes.


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© Nolwenn Guyon / la1ere.fr La salle de collection des crustacés du Muséum national d'Histoire naturelle, à Paris, est remplie de spécimens découverts lors d'expéditions précédentes.


Comment allez-vous travailler au quotidien ?

Nous commençons par repérer des zones, dont nous identifions la nature du fond grâce à un écho-sondeur de pêche. Si le fond est rocheux, on utilise une drague très lourde qui permet de gratter le fond. Si le fond est meuble, on met à l’eau un chalut à perche de quatre mètres de large. A la remontée, on tamise tout les spécimens puis on les sépare par taille et par famille. Ensuite on les photographie et on congèle éventuellement les spécimens vivants. Ils sont ensuite plongés dans l’alcool pour les conserver et stockés dans des fûts métalliques. Le tout est renvoyé à Paris par conteneurs à la fin de l’expédition. L’identification des espèces se fait après l’expédition, mais quand on sort du bateau on a déjà une idée de la diversité du terrain.

Combien de spécimens pensez-vous collecter ?

C’est difficile à dire mais certainement plus de 10.000.

Votre travail cause-t-il un préjudice à la nature ?

Il y a un effet destructeur, oui, mais il est minime comparé à l’activité d’une plateforme pétrolière par exemple. Et on s’est fixé des règles que l’on respecte, comme ne jamais retourner pêcher deux fois sur les mêmes endroits, même si la collecte a été insuffisante. Pour connaître quelles sont les zones les plus importantes, celles que l’on veut protéger, il faut faire de la recherche. L’impact de notre travail n’est pas gratuit : le but est de faire avancer l’état général des connaissances

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