Mozambique 2009 › Collecte au Mozambique

dimanche, novembre 29 2009

Serpents et compagnie…

Ivan Ineich est herpétologiste au Muséum National d’Histoire Naturelle. Nous l’avons suivi dans sa quête des reptiles. Ames sensibles, ne regardez pas cette vidéo :



samedi, novembre 28 2009

De drôles d’oiseaux

On les appelle Batman et Robin. Parce qu’ils travaillent en binôme. Et parce que l’un d’eux est spécialiste des chauve-souris. Mais Jean-Marc Pons et Jérôme Fuchs sont venus au Mozambique pour étudier les oiseaux avant tout. Le premier est maître de conférence au Muséum national d’Histoire naturelle, le second chercheur post-doctoral à Berkeley (après une thèse au Muséum).

Chaque matin, ils sont les premiers en route pour aller relever leurs filets. Ils y ont attrapé environs 200 volatiles, représentant une cinquantaine d’espèces différentes. Parmi les plus notables, on trouve le Sheppardia gunningi, dont la présence dans cette région n’était pas répertoriée jusqu’ici.

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Sheppardia gunningi. Crédit photo : Jérôme Fuchs


Sans oublier quelques beaux étourneaux (Lampotornis elisabeth) et marins chasseurs, comme l’Ispidina picta.

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Ispidina picta. Crédit photo : Jérôme Fuchs


Les oiseaux collectés sont analysés sous toutes les coutures. Mesures du tarse, du bec, des ailes, poids, couleurs, etc. On prélève également quelques gouttes de sang pour l’étude génétique. « Nous essayons de retracer les liens de parenté, d’évaluer les différenciations entre populations. Nous utilisons l’ADN comme mémoire du passé pour comprendre l’histoire de l’évolution des oiseaux. »

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Jean-Marc Pons et Jérôme Fuchs, ornithologues au travail.


Une lignée inédite dans la région ? « Non, pas pour l’instant en tout cas. Mais cet endroit n’avait jamais été vraiment étudié auparavant. Notre travail apporte une petite pierre supplémentaire à l’inventaire de la biodiversité. »

mercredi, novembre 25 2009

Concert de grenouilles

Ce soir-là, collecte nocturne au bord du lac Nhica. Dans l’équipe, des naturalistes d’horizons différents. Nous avons deux entomologistes du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). Claire Villemant, qui se tient au piège lumineux attirant les papillons. Et Tony Robillard, qui traque un Phalangopsidae (un grillon) qui le nargue depuis quelques jours.

Avec eux, Igor Muratov, éminent spécialiste des mollusques terrestres. Grand voyageur toujours en quête d’un nouvel escargot, ce Russe travaille au Natal Muséum de Pietermaritzburg, en Afrique du Sud. Igor est un marcheur, il aime à parcourir ses 30 km quotidiens. Cette nuit, il s’enfonce dans la forêt, toutes lampes éteintes. « La lumière des étoiles me suffit ». À plus tard, Igor.

Voici enfin Annemarie Ohler, professeur et responsable scientifique des collections de vertébrés au MNHN, la plus française des herpétologistes autrichiennes. Experte en amphibiens, elle nous initie à la pêche à la grenouille. « L’important, c’est de se tenir à distance des hippopotames ». De sources concordantes, l’hippo est en effet l’animal le plus con du continent africain (hormis la poule, mais c’est un autre sujet). Il faut être prudent, car la nuit est le domaine des animaux. Sous la lune, la nature revêt une panoplie différente. Mais pas moins fascinante.

Nos pas s’enfoncent dans la boue des petites mares. Les batraciens pullulent.

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Une cassine tachetée (Kassina maculata) d’environ 70 mm. Cette espèce a été découverte au Mozambique. Crédit photo : Annemarie Ohler


Armée de ses bottes en caoutchouc, de sa frontale et de sa bonne humeur, Annemarie fait un malheur. À la main, avec une dextérité redoutable, elle collecte une trentaine d’individus de huit espèces différentes en deux petites heures. « C’est une bonne sortie, la pluie a réveillé les grenouilles terrestres qui se cachaient jusque-là. Ensuite, on recoupera ça avec les données déjà disponibles pour affiner les connaissances ».

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Annemarie Ohler range ses grenouilles


Une fois la mission accomplie, nous éteignons nos lampes. Nos photons artificiels ne polluent plus l’instant. Sur l’autre rive, des centaines de lucioles nous offrent un spectacle clignotant et synchronisé par la grâce d’une mystérieuse communication chimique. Irréel. Pendant une demi-heure, une scientifique, un guide et un journaliste se tiennent immobiles, debout face au chef d’œuvre. Sans échanger un mot, qui de toute évidence serait superflu. Au loin, les hippos grognent, avec une profondeur et une puissance inouïes. Une hyène hurle, une autre lui répond. Ce n’est pas le rire sardonique pour lequel elles sont connues. Ce sont de longues plaintes mélancoliques qui vous déchirent une âme en moins de deux. Les grenouilles jacassent, par milliers. Elles forment le chœur du lac ; chacune joue sa partition. C’est un murmure, un vacarme, un opéra. C’est la nuit au fond du bush. Fermez les yeux. Écoutez.


dimanche, novembre 22 2009

Une nuit chez les termites

Le long des routes du Mozambique, on croise d’étranges formations de terre qui ne sont pas construites par les humains. Ce sont des termitières. Elles peuvent atteindre 6 mètres de hauteur.

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Grosse butte de Macrotermes. Des centaines de milliers d’individus habitent là-dedans.


Nous avons ici un fin connaisseur de ces étonnantes créatures. Maurice Leponce est chercheur à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique. Spécialiste des fourmis et des termites des forêts tropicales d’Amérique du sud, c’est la première fois qu’il étudie une forêt sèche africaine. Nous l’avons suivi dans une de ses excursions nocturnes.
Après avoir repéré une termitière, cet homme pondéré à la diction apaisante se saisit d’une hache (dotée d’un ruban rose, pour ne pas l’égarer). Il abat délicatement un petit pan de l’édifice pour en ausculter l’intérieur. Sitôt après avoir vécu ce qui doit être un Pearl Harbor à leur échelle, les termites subissent des flashes photos qui sont autant d’Hiroshima. « Non, ils sont aveugles », précise Maurice. Le termite n’est pas geignard. Dans la seconde suivant la catastrophe, il se remet au travail. Il faut dire que 80% des individus sont des ouvriers. Le reste de la colonie est constitué de soldats, de nymphes reproducteurs et d’un couple royal. S’il n’est pas geignard, le termite semble rancunier. Un kamikaze passe à l’attaque en mordant la reporter du Figaro imprudemment assise sur le monticule. Un termite ouvrier, probablement.

Maurice Leponce collecte les informations et les images qui lui permettront de comparer ces termites avec leurs congénères sud-américains. Une heure plus tard, les insectes ont déjà reconstruit sous nos yeux plusieurs centimètres de leurs quartiers. Respect.


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Termites en plein effort de reconstruction. Crédit : Maurice Leponce / IRSNB.

lundi, novembre 16 2009

La traque aux insectes

Dans la religion jaïniste, il est interdit de tuer le moindre animal. Certains fidèles portent un masque pour éviter d’avaler des moucherons. Ils balayent le sol devant leurs pas pour ne pas écraser d’insectes. S’ils étaient jaïns, les entomologistes brûleraient en enfer. Une partie de leur métier consiste en effet à zigouiller des insectes à qui mieux mieux. Oui, mais c’est pour la bonne cause. Il s’agit d’inventorier et classifier pour mieux préserver les espèces.

J’ai accompagné notre fine équipe d’entomologistes, partie pour un « fly camp » de deux jours au bord de la rivière Rovuma, qui marque la frontière avec la Tanzanie. Objectif : explorer un nouveau territoire, plus humide que celui des alentours de Nhica. Le coin est assez peuplé. Si on n’y trouve peu d’Homo sapiens, il est fréquenté par les hippopotames, les crocodiles et les babouins. Accessoirement, son atmosphère est féerique. Au détour de la rivière, une lumière. La lumière. Celle qui nous plonge aux premiers matins du monde. Adam et Eve ont dû se rencontrer ici. D’ailleurs, j’ai failli marcher sur un serpent.

Excités comme des puces, les naturalistes arpentent les sentiers à la recherche d’une éventuelle nouvelle espèce, saint Graal qu’on dénichera dans une bouse d’éléphant. Olivier Montreuil est maître de conférence au Muséum national d’Histoire naturelle. Ce chercheur chargé de collection est un expert des scarabéidés. Les insectes coprophages n’ont pas de secret pour lui. Il a décrit, catégorisé et nommé environ 80 espèces.

Jean Yves Rasplus, directeur de recherche à L’INRA est le responsable de la partie zoologie de l’expé. Spécialiste des figuiers, des organismes de quarantaine et de la phylogénie des insectes, c’est un fin connaisseur de l’Afrique où il a effectué des dizaines de missions. Astrid Cruaud, elle, vient de terminer sa thèse. Son intitulé ? « Structure phylogénétique et biogéographique des communautés des chalcidiens sycophiles ». En français : elle étudie les parasites des figuiers. Ils sont appuyés dans leur recherche par Nicolau Faduco Madogolele, de l’IAM (l’institut d’agronomie mozambicain).

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Un papillon capturé par nos entomologistes.


Plus fourmis que cigales, nos entomo. multiplient les ruses pour attirer les insectes : pièges à bananes, filets, aspirateurs à bouche et autres pièges lumineux où viennent se crucifier les papillons de nuit.

Ils pestent contre la pluie qui tarde à arriver et ferait pulluler le vivant dans les grandes largeurs. Mais la pêche est plutôt fructueuse : une belle diversité de Mutilidae (hyménoptères proche de la guêpe), des Vespidae (guêpes), des abeilles, des cigales, des mantes, des Cetoniidae (hannetons)… Plusieurs centaines d’individus dont la trajectoire s’achève dans l’acétate d’éthyle ou l’ammoniaque. C’est le prix à payer pour passer à la postérité scientifique.

Mis en couche, en papillote ou en alcool à 70°, les insectes seront classés, pris en photo, envoyés aux spécialistes de chaque famille et, pour certains, analysés moléculairement. Si une nouvelle espèce est découverte, l’original sera stocké dans les collections de l’IAM.

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Des rangées de scarabées, prêts à être étudiés.


La nuit tombée, nos damnés du jaïnisme comptent les étoiles filantes au son des insectes ayant échappé à leur filet. Le feu crépite. Au loin, les hyènes se marrent comme des baleines.



PS : Pour camper dans les environs, il faut un homme qui connaît la brousse. Prochainement, une interview vidéo de Mark McAdam, à côté duquel Crocodile Dundee et Mac Gyver sont des petites frappes.

lundi, novembre 9 2009

Trois générations de botanistes sur le terrain

Premier jour sur place, première mission de collecte. Je pars avec une équipe bien décidée à écumer la forêt pour dénicher des espèces rares, voire inédites. Nous empruntons les cutlines, des sentiers tracés à travers la végétation par les prospecteurs pétroliers. Ces layons quadrillent la région. Ce qui rend la forêt accessible aux scientifiques qui veulent la protéger, comme aux villageois qui l’exploitent pour survivre sans forcément se rendre compte qu’ils la détériorent. Nous en reparlerons plus tard.

Pour l’heure, revenons à nos botanistes. Je vous présente Tom Müller.

Tom Muller
Tom Müller ne se sépare jamais de sa machette.


Ce Suisse vit au Zimbabwe depuis près d’un demi-siècle. Il a fondé le jardin botanique d’Harare en 1962. L’institution s’est depuis écroulée avec le pays. Tom a 77 ans et doit travailler car il ne touche pas de retraite. Mais l’homme a une énergie à rendre jaloux bien des trentenaires. Quand il part en forêt, c’est torse nu, avec un short, de simples baskets et une machette. Rien de plus. Après 8 heures de marche sans boire une goutte d’eau, le grand-père galope encore comme un cabri en s’émerveillant sur la beauté de cette végétation qu’il connaît comme personne.
Jonathan Timberlake, 55 ans, a travaillé pour lui à Harare il y a une vingtaine d’années. Il officie aujourd’hui à Kew gardens, l’équivalent londonien du Jardin des Plantes. C’est un des meilleurs spécialistes des woodlands d’Afrique australe. Il a notamment participé à la découverte de ce qu’on a appelé la « forêt Google ». « Cette dénomination est un peu exagérée, même si Google Earth a effectivement contribué au repérage de cette forêt d’un type inédit, au mont Mabu (Mozambique). Mais cela n’aurait pas été possible sans des cartes satellites plus précises», explique Timberlake. Il travaille avec Hermenegildo Matimele, un botaniste mozambicain de l’institut agraire de Maputo, âgé de 29 ans.

Hermenegildo Matimele

Hermenegildo Matimele, la relève locale au travail.


Un des problèmes des politiques de conservation : si la biodiversité se trouve principalement au Sud, les ressources scientifiques sont surtout au Nord. L’émergence de jeunes botanistes locaux, à la fois performants et riches de leur connaissance du terrain, est un atout précieux.
Alors, comment procèdent ces chercheurs ? Ils ciblent des zones, quadrillent et récoltent. Une fois l’échantillon collecté, on note ses caractéristiques et sa localisation GPS. Il est étiqueté et stocké dans une presse constituée de feuilles de journaux et de lattes de bois. La plupart sont séchés afin d’être conservés en bon état jusqu’à leurs destinations, les institutions de recherche de Londres, Paris et Maputo.
On notera le grand écart technique entre les outils satellitaires et la simplicité des presses dont l’utilisation n’a pas vraiment varié depuis le XIXe siècle.
Aujourd’hui, notre équipe a recueilli 14 espèces végétales. Leur analyse, dans les mois à venir, contribuera à affiner la classification du vivant.
Cette matière se mérite. Pour ramasser des fleurs, il ne suffit pas de se baisser. Le grognement des hippopotames dans le lac voisin, les traces d’éléphants (qui peuvent être dangereux) et la rencontre d’un énorme varan du Nil (Varanus niloticus) nous rappellent que le bush ne doit pas être pris à la légère. Cette conclusion en vidéo montre bien que la science est parfois aussi un sport extrême.