Billet de Olivier Pascal

Le 12 mars, la Ministre de l’Écologie a téléphoné. En conférence de presse à Paris, à l’occasion des futurs débats à l’Assemblée autour de la loi sur la Biodiversité, le rendez-vous avait été pris avec elle 2 jours plus tôt pour un échange en direct via notre téléphone satellite. Je raccroche le combiné et je ne sais même plus ce que je lui ai raconté. Je suis bouleversé par ce qui est arrivé hier à Cyril.

La journée du 11 fut agitée. Bien commencée, avec un temps clément, elle finit par un coup du sort, cinglant comme un coup de chien alors que la mer est plate et belle. Dix minutes après avoir débarqué de l’hélicoptère, Cyril s’est écroulé, comme un grand tronc qui s’affale. Crise d’épilepsie. Rémy et moi étions à ses côtés. Cyril, médecin, était là pour remplacer Rémy et assurer à sa suite l’encadrement médical au camp de base.

Alors que les rotations s’enchaînent, au milieu des arrivants et de tous ceux devant partir, Rémy décide son évacuation. Une première crise est toujours suspecte. Un changement de programme doit être décidé très vite. Avec un seul médecin, plus question d’un deuxième camp au pied du Mitaraka Sud. À la deuxième rotation, Serge décolle pour prévenir les 3 qui patientent sur la roche où ils sont arrivés la veille, lieu prévu pour déposer les 4 personnes qui sont censées les y rejoindre dans l’après-midi et qui attendent à Maripasoula. Serge est de retour 30 minutes plus tard avec Mohamed, Jean-François et Daniel qui ont rapidement compris la situation et remballés leurs affaires. "Huit heures de marche pour s’y rendre hier et cinq minutes pour revenir" constate simplement Jean-François, flegmatique. Entre 2 rotations, un autre Dauphin arrive, une équipe du SAMU de Cayenne à son bord. Cyril allonge sa grande carcasse dans l’appareil et quitte l’opération le jour de son arrivée. Tout le monde se retrouvera au camp de base en fin d’après-midi, une réorganisation indolore pour l’expédition. Mais il en manque un, et pas des moindres en ce qui me concerne. Le pépin, toujours redouté, s’est produit. On a souvent rit avec Cyril lorsque je prétendais que les seuls participants qui posaient problème dans une expédition étaient les médecins. Ca s’est vérifié dans le passé, mais j’aurais donné beaucoup pour que ça n’arrive pas à lui, qu’il ne prenne pas ce vol retour, le vol de trop. Cyril m’a accompagné en 2006 au Vanuatu et en 2012 en Nouvelle-Guinée. Cent kilos de gentillesse ; le genre d’ami que l’on ne voit pas souvent mais sur lequel on sait pouvoir compter, n’importe quand et n’importe où. Une belle âme.

À la prochaine, Cyril. J’en remonterai une autre rien que pour toi.


Des arrivées et des départs, jamais trop tard, une fois trop tôt © Olivier Pascal/MNHN/PNI