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jeudi, juin 10 2010

Deuxième partie de l'expédition à bord de l'Antéa

Texte et images de de Roger Swainston, dessinateur naturaliste et de Line Le Gall maître de conférence


Nous sommes au dixième jour de la seconde partie du voyage de l’Antéa sur les cotes sud de Madagascar et tout le monde a le sourire au visage. Aujourd’hui nous sommes gâtés par une mer d’huile et le soleil rayonnant, et de plus la visibilité sous l’eau approche les dix mètres.



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MANANTENINA

Après le départ de Fort Dauphin le premier juin, Line le Gall, chef de mission de la deuxième partie du voyage, a pris la décision de monter vers le nord jusqu’a Manantenina, en espérant trouver les eaux claire et la faune intéressante dans cette région inexplorée. Malheureusement les premiers jours furent un peu décevants. Une houle bien établie et une forte densité de phytoplancton ont rendu les eaux troubles et noires.


Au cours des premières plongées à 25m la visibilité était tellement mauvaise qu’il n’était pas possible d’apercevoir ses doigts a la surface du masque. Difficile de traquer les nouvelles espèces dans ces conditions! Au large de la cote une ligne nette démarque le commencement des eaux claires, mais c’est trop profond pour plonger. Avec persistance, nous avons ramené a bord nos premiers échantillons d’algues, mollusques et échinodermes récoltes à tâtons.


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LES ILES STE LUCE

A la recherché de meilleures conditions, nous sommes reparti un peu plus sud, jusqu’à Ste Luce, ou une pointe rocheuse et une poignée des rochers, battus par les rouleaux nous offrirent un peu d’abri de la mer et du vent du sud. Petit a petit les conditions s’amélioraient et les spécimens s’accumulèrent dans le laboratoire de l’Antéa. Stefano Schiaparelli de l’Universite de Gênes était content de trouver ici plusieurs Ovulids (Egg Cowries) qui vont l’aider à résoudre un problème taxonomique dans ce groupe. Un grand spécimen de bénitier est remonté a la surface: le plus grand individu trouve jusqu’à maintenant de ce qui est probablement une nouvelle espèce endémique de Madagascar, tout comme une nouvelle Etoile de Mer de Presque 60cm d’envergure.

La houle est toujours assez forte et les plongées autour des rochers sont turbulentes. L’endroit est riche en poissons, en particulier, les grands Poissons Perroquet jouent a cache-cache entre les blocs de granite poses sur du sable. Line le Gall, spécialiste des algues du MNHM, trouve à l’abri de la houle près de 150 espèces d’algues, une diversité extraordinaire à l’échelle locale.


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LE ROCHER DE CHOUMARE

Apres 7 jours de voyage l’Antéa lève l’ancre pour se déplacer encore vers le sud, quelques km seulement jusqu’au rocher de Choumare Les conditions s’améliorent et Roger Swainston, dessinateur naturaliste, voit, caché au fond d’une crevasse une espèce de Requin Chat dont il parvient à prendre une photo du dos. Pierre Laboute expert de la diversité des récifs coralliens est intrigué, il s’agit probablement d’une nouvelle espèce. Malheureusement plusieurs plongées sur ce même site n’ont pas permis de retrouver la trace de cet animal. Cet endroit est très riche en poisson, plusieurs espèces de grands mérous, un poisson ananas s’abrite dans une grotte et une raie torpille se promène sur le fond. Ici les éponges en calice, et les étoiles de mer sont très nombreuses et rendent le paysage féerique.

L’équipe maintient un rythme de deux plongées par jour et les collections s’enrichissent a pas régulier. Jose Rosado, expert des mollusques du Mozambique trouve une espèce de Lambis (Spider Conch) qu’il ne connaît pas, mais plus globalement, il trouve que la faune des mollusques correspond à celle de l’Indo-Pacifique et est un peu déçu de ne pas trouver plus d’espèces rares ou endémiques de Madagascar. Ce fait confirme l’unicité de la faune de l’extrême sud de Madagascar ou l’équipe précédente a trouvé beaucoup d’espèces de mollusques, soit nouvelles, soit endémiques a Madagascar


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AUTOUR DE LA POINTE D’EVETRA

Le dixième jour nous sommes encore déplacés au sud, pour se mettre a l’abri de la Pointe d’Evatra. La houle a progressivement descendu et le vent aussi. La mer est devenue très calme, ce qui facilite la descente du matériel de plongée du pont de l’Antéa jusqu’au Zodiac, une manœuvre périlleuse avec de la houle. Une plongée dans une petite baie au nord de la pointe est très agréable pour tout le monde. L’eau est très claire et le fond a seulement 2-3m est presque complètement couvert du corail. Les conditions permettent à l’équipe de faire une exploration à terre dans ce petit coin paradisiaque.

Les collines ondulantes autour de la baie sont couvertes d’un tapis d’herbe comme une pelouse, une petite crique rentrant dans la baie est entourée par les pandanus et les orchidées en fleur. Qu’il est bon de se dégourdir les jambes sur la terre ferme avant de réembarquer sur l’Antéa. Maintenant nous avons une mer d’huile et au coucher du soleil une baleine à bosse avec son petit nous rendent visite, passant, a peine, a 10m du bateau. Cette journée magnifique se termine par la rencontre avec les villageois venus en pirogues pêcher les chinchards qui sautent par milliers attirés par la lumière du pont de lAntéa.


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LE ROCHER DE LA BALEINE

Le onzième jour de mission, pluvieux, commence par une plongee autour du rocher de la Baleine qui se situe juste au large de la pointe Evatra. Sur un fond de près de 25m, nous pouvons enfin voir, grâce à la une bonne visibilité, des énormes blocs de granite qui se détachent. L’endroit est encore très riche en poisons, la faune sur ce cote sud-est de Madagascar semble être à la croisée de la faune d’Afrique du Sud et de celle de l’Indo-Pacifique, avec une affinité plus africaine au fur et a mesure que l’on se rapproche du canal du Mozambique, les Anthias sont commun ici et les bancs des Fusiliers passent autour de nous.


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LA BAIE DE FORT DAUPHIN

Dans l’après midi l’Antéa doit faire une brève escale au port de Fort Dauphin pour charger l’essence nécessaire pour les zodiacs et les plongeurs en profitent pour explorer le récif de la baie de Fort Dauphin situe à l’oppose du port. Sur un fond d’environ 6m la faune d’invertébrés sessiles est très riche, Les cavernes et les grottes sont couvertes d’un tapis d’éponges, corails ascidies et gorgones. Plusieurs espèces de poissons licornes nous rendent visite et un banc de rouget va et vient doucement.

Le récif est aussi riche en mollusques, beaucoup des Cyprinidae (Cowries), entre autres et Line le Gall trouve encore quelques espèces d’algues qu’elle n avait pas vu ailleurs. Pendant la plongée, la houle monte rapidement et nous sommes bientôt bousculés dans tous les sens par le resac, il est temps de regagner l’Antéa qui sort du Port après avoir charge les deux bidons d’essence qui devraient nous assurer l’autonomie de carburants jusqu'à la fin de mission.

mardi, juin 8 2010

Les pêcheurs de Lavanono

13h30 : j’assiste au retour des pêcheurs de Lavanono. Chaque jour, des dizaines de pirogues partent en mer. Berthin Rakotonirina, enseignant-chercheur à l’IH.SM spécialiste des tortues marines, participant à l’expédition, m’accompagne et m’explique les différentes techniques de pêche locales.


Vue sur les pirogues de Lavanono (crédit photo : Eléonore Vandel)


Lavanono est un village tandroy. Les Antandroy (peuple des épines), pratiquent principalement l'élevage de zébus sur une terre aride couverte par une imposante forêt d'épineux. Ce n'est que depuis peu (à peine 30 ans) qu'ils se tournent progressivement vers la mer au contact d'autres populations côtières tels que les Vezo et acquièrent les diverses techniques de pêche.

Engins de pêche utilisés : - ‘Harato’ : filet maillant pour la capture des poissons. - ‘Jarifa’ : filet à grandes mailles destiné à la pêche aux requins, mais souvent des tortues de mer ou des dauphins se font piéger par ce filet. - ‘Teza’ : harpon crochu à fer mobile, destiné à la chasse aux tortues de mer - Embarcation : ‘lakam-bezo’, pirogue monoxyle à balancier propulsée par une voile carrée


Capture d’un ‘lamatra’ (crédit photo : Eléonore Vandel)



Les poissons sont vendus frais auprès des hôteliers et des mareyeuses, ou salés et séchés puis exportés. Depuis notre arrivée, deux tortues luth, trois tortues caouannes, et deux tortues vertes ont été attrapées. Elles sont en général trouvées mortes dans les filets, ce qui cause un risque d’intoxication. La viande est vendue cuite à Lavanono. Quant à la viande séchée de requin, elle est revendue jusqu’à Tuléar et Antananarivo. Il faut savoir que la viande de requin est moins chère que la viande de zébu.

D’autres techniques de pêche sont utilisées. Le harpon à fer pointu est utilisé pour capturer les poulpes. Il est également employé par les plongeurs en apnée pour capturer les langoustes. La pêche sur les platiers (coquillages, concombres de mer, …) est en général pratiquée par les femmes et les enfants. Cette technique s’appelle ici ‘mihaka’.


(crédit photo : Eléonore Vandel)

mardi, juin 1 2010

La planète revisitée sur CNN

Photo :

Mary Rogers zoome sur l’expédition



Notre expédition intéresse les médias. Un long reportage vient de paraître sur La planète revisitée dans le Figaro magazine, sous la plume gracile de Katia Clarens, illustrée par les photos de Xavier Desmier. Un autre article doit être publié dans Science et vie.

Nous avons également accueilli la journaliste de CNN International Mary Rogers. Basée au Caire, cette baroudeuse couvre l’actualité de l’Afrique et du Moyen-Orient depuis près de 30 ans. Elle réalise ici un sujet pour une nouvelle émission, Earth’s frontiers, consacrée à l’environnement. Il sera diffusé et visible en ligne au mois de juillet.

www.lefigaro.fr/environnement/2010/05/20/01029-20100520ARTFIG00812-biodiversite-les-heritiers-de-buffon.php

http://edition.cnn.com/CNNI/Programs/earths.frontiers/

Aperçu de la faune fixée

Tout au long de l'expédition, nous avons trouvé des fonds très colonisés par des animaux, solitaires ou coloniaux, fixés. On parle de benthos (faune qui vit près du fond) sessile (non mobile). Il y a peu de coraux.


On trouve beaucoup d'éponges, animaux solitaires pluricellulaires, qui possèdent à la périphérie une multitude de petits trous par lesquels l'eau entre (oscule: orifice inhalant) et quelques gros trous bien visibles sur le dessus par lesquels l'eau sort (ostiole: orifice exhalant). Le courant d'eau est créé par les choanocytes, cellules à cils à l'intérieur de l'éponge. Les particules alimentaires (algues microscopiques, plancton, etc...) sont captés et digérées par des cellules spécialisées (cellules phagocytaires).


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 copyright MNHN Alain BARRERE






 copyright MNHN Alain BARRERE


Parfois les éponges sont colonisées par d'autres organismes (organismes épiphytes) , on les devine à peine!


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 copyright MNHN Alain BARRERE


éponge colonisée par des bryozoaires


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 copyright MNHN Alain BARRERE


cherchez l'éponge!


Les éponges peuvent également recouvrir d'autres organismes, la compétition pour l'espace est rude!


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 copyright MNHN Alain BARRERE


On trouve également des Bryozoaires, organismes coloniaux, à forme souvent digitée.


Ces organismes se fixent en grande quantité sous les surplombs, sous les roches, sur les coquilles vides. Il y a parfois 4 ou 5 espèces sur quelques cm2!


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 copyright MNHN Alain BARRERE




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 copyright MNHN Jo HARMELIN


Bryozoaires blancs


Enfin, parmi les animaux fixés que nous avons rencontrés le plus, il y a des hydraires et des ascidies, organismes coloniaux.


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 copyright MNHN Alain BARRERE




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 copyright MNHN Alain BARRERE


hydraires à la piqure douloureuse!


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 copyright MNHN Alain BARRERE


colonies d'ascidies

mercredi, mai 19 2010

Luigi et les coquillages

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Luigi Bozzetti a la malacologie dans la peau.




Luigi Bozzetti n’est pas un scientifique professionnel. Technicien informatique à la retraite, ce Milanais est pourtant un expert en coquillages de haut niveau. Collectionneur, vendeur et chercheur, il a découvert et décrit 210 espèces. Beau palmarès pour un amateur.

Luigi connaît particulièrement bien la région. Il a effectué une quarantaine de séjours à Madagascar depuis 1999. Il prospecte sur les marchés de la côte, à la recherche de la coquille rare.

Il s’est fait tatouer sur l’épaule une espèce rare (Lambris cristinae) qu’il a lui-même nommée après l’avoir dénichée à Tuléar. « Quand j’arrive dans un village, je montre mon tatouage pour expliquer ce que je cherche », plaisante-t-il. Il n’en a trouvé que trois spécimens en 10 ans.

« Le sud malgache est un territoire où il y a encore beaucoup de choses à répertorier et le projet de La planète revisitée le prouve. » Les découvertes et la connaissance du terrain de Luigi ont d’ailleurs été un facteur déterminant dans le choix du lieu de l’expédition. Ce qui montre que la science, c’est aussi une affaire de passion.

mardi, mai 11 2010

Dans la réserve de Nahampoana

Je quitte l’expédition pour rentrer à Paris demain. Julien et Alain continueront à alimenter ce blog, pour les quelques jours qui restent à Fort Dauphin, mais aussi depuis le site de Lavanono jusqu’à la mi-juin, et depuis l’Antéa, le bateau de l’IRD qui rejoint bientôt la mission.

Si les compartiments négligés, donc peu connus, de la biodiversité sont au cœur de « La Planète Revisitée », et tout particulièrement ceux qui concernent le monde marin pour la mission « Atimo Vatae », la biodiversité terrestre malgache est également très attirante. Et beaucoup d’élèves s’y sont intéressés cette année dans le cadre du volet éducatif de l’expédition. Difficile de rentrer sans faire le tour d’une réserve pour prendre quelques photos… Des baobabs au Pachypodium en passant par la fameuse pervenche de Madagascar, je révise quelques notions de botanique ou d’endémisme insulaire.


Photo pachypodium
Pachypodium (qui signifie « pied épais »).


Nous croisons une tortue, un caméléon, des oiseaux, des papillons, quelques magnifiques araignées… Les lémuriens sont bien sûr au rendez vous et plusieurs espèces peuvent être observées… Voici quelques photos pour les élèves qui en rêvent…


Photo sifaka
Propithecus (appelé souvent ‘sifaka’ en raison de son cri d’alerte) capable de pirouettes et de sauts étonnants.




Photo maki catta
Lemur catta (aussi nommé maki catta), le fameux lémurien à la queue rayée de noir et de blanc.

vendredi, mai 7 2010

Les biologistes marins de demain ?

La science, c’est formidable. C’est encore mieux quand on sait la faire partager.


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Sophie Pons fascine les CM1 de l’Ecole française de Fort Dauphin.



Dans le cadre du volet pédagogique de l’expédition, des actions sont menées en direction des écoles malgaches. Cette semaine, Sophie Pons et Alain Barrère, enseignants (et correspondants sur ce blog), ont fait une intervention dans les classes de l’Ecole française de Fort-Dauphin pour expliquer les objectifs et méthodes de La planète revisitée. Sujet de l’exposé donné : le trajet d’un échantillon de la collecte à la collection.


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Alain Barrère, lui, fascine les CP.



Mercredi avait lieu la journée portes ouvertes sur le site de l’expédition. Plusieurs classes sont venues visiter notre laboratoire (Ecole française, mais aussi l’Ecole Ampasamasay et les étudiants du Centre écologique de Lebanona). Les scientifiques présents (Laurent Charles, Barbara Buge, Bob Abela, Lalaina Ravaloson, Clémence Vololoniaina Ravelo et Tin-Yam Chan) ont animé quelques ateliers pour les apprentis biologistes. Une journée qui suscitera peut-être des vocations.


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Laurent Charles et les enfants devant les bacs de tri du laboratoire.