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dimanche, mai 2 2010

22 mètres sous les mers

Au quotidien, nos plongeurs vont collecter sur les fonds côtiers. Une activité qui n’est pas de tout repos. Loin de là.


Plongeurs Pascal Laurent Patrice
Les mousquetaires de la plongée : Pascal Bigot, Laurent Albenga, Patrice Petit de Voize (qui remplit également le rôle d’homme providentiel dans les situations périlleuses).


Le jour est à peine levé et le port est calme. L’équipe embarque sur le Bombard, un zodiac filant à 30 nœuds, boosté par un moteur de 115 CV. A bord, trois cadors de la plongée sous-marine : Laurent Albenga, responsable de collection au MNHN, Pascal Bigot, dentiste dans le civil, et Patrice Petit de Voize. Ce dernier a effectué sa première plongée en 1958. Il en compte désormais 8500. A 66 ans, ce Breton ayant baroudé sur toutes les eaux du globe est ce qu’il est convenu d’appeler un vieux loup de mer, doublé d’un conteur hors-pair.

Chaque jour, ces hommes plongent à la recherche de la vie sub-aquatique. Leurs outils : la brosseuse (qui permet de recueillir les micro-organismes en frottant les pierres) et l’aspirateur sous-marin (plus couramment appelé suceuse).

Aspirateur
Ce drôle d’engin est un aspirateur sous-marin.


Le lieu d’exploration est choisi grâce aux informations du sonar. Nous voilà aux alentours de la Pointe Evatra, au bout de la baie de Fort-Dauphin. Les plongeurs vont descendre à 22 mètres pour inspecter un fond de roches granitiques où cavernes et autres anfractuosités regorgent peut-être de bonnes surprises biologiques.

Ce matin, une houle assez sérieuse anime les eaux. Ce qui permet aux deux journalistes embarqués de découvrir les joies du mal de mer. Mais cette houle de surface affecte aussi sérieusement les conditions sous-marines. La visibilité est réduite (2 mètres) et les plongeurs sont chahutés par les courants. A leur remontée, ils sont à plus de 150 mètres du bateau. Il faut lever l’ancre pour aller les récupérer. C’est ce moment que choisit le moteur pour lâcher.

Impossible de le redémarrer. Nous sommes livrés aux flots qui nous rabattent vers la côte. Les récifs s’approchent dangereusement. Et nous avons trois hommes à la mer qui s’éloignent jusqu’à devenir invisibles. Le pilote est dépassé par les évènements. Le moteur ne veut rien savoir. A quelques mètres de nous, les déferlantes se fracassent sur d’énormes rochers pas franchement accueillants. Motivés par l’idée de rester en vie, les deux journalistes pagayent frénétiquement en sens inverse.

Emporté par son mouvement, l’un d’eux passe par-dessus bord pour pimenter une situation qui n’avait pas besoin de ça. Cela pourrait être drôle ; nous n’avons pas le temps de rire. Remonter sur un zodiac sans échelle par forte houle n’est pas une chose aisée. Mais, toujours poussé par cette idée que la vie, c’est pas si mal, Rouletabille bondit sur le pneumatique et reprend sa pagaie. Une tortue passe. Pendant ce temps, Patrice Petit de Voize a entamé une course vers le zodiac en palmant à contre-courant. Il parvient à nous rejoindre et se hisse à bord comme un jeune homme. Performance. Quelques minutes de suspense plus tard, il réussit à ranimer le moteur. Merci monsieur.

Nous fendons l’écume pour aller récupérer Pascal et Laurent, à 400 mètres de là. Ils ont dérivé pendant près d’une demi-heure. Tout va bien. Même la collecte du jour est sauvée.

Bilan des opérations : un genou cabossé, une brûlure de méduse, quelques doigts entaillés par les cordes, un seau de vomi et la science, imperturbable, qui poursuit son chemin. En rentrant au port, quelques dauphins viennent nous saluer. Il est 10 h du matin. Ce sera une belle journée.


mardi, avril 20 2010

La Planète Revisitée, acte 2

Lors de la première expédition, nos scientifiques ont sillonné les forêts du Mozambique nord. Ils en ont rapporté des milliers de spécimens d’animaux et de végétaux. Un trésor encore en cours d’analyse. Les premiers résultats et les nouvelles espèces découvertes seront dévoilés prochainement.

Dans quelques jours, une nouvelle équipe sera sur le terrain, à Madagascar. Sous la houlette de Philippe Bouchet, professeur au MNHN spécialiste des mollusques marins, ce sont plus de 50 personnes venues d’une quinzaine de pays qui navigueront dans le sud du pays à la recherche des poissons, algues, coquillages et autres crustacés. Sur la côte ou au large, pendant 7 semaines, nos explorateurs naturalistes passeront au peigne fin la faune et la flore pour inventorier la biodiversité marine régionale. Un défi exaltant dans cette île connue par son incroyable richesse en espèces endémiques.

Ce blog sera le carnet de terrain 2.0 de l’équipée. Au jour le jour, vous serez informés en direct de la vie de l’expédition, des petits évènements et grandes découvertes qui la rythmeront. Une expérience humaine rare doublée d’une mission exceptionnelle par son ampleur et ses objectifs. Rappelons qu’il s’agit de revisiter la planète pour, au bout du compte, trouver les moyens de la sauver.

Vous serez ici aux premières loges pour assister à cette aventure.

Plage de Tulear dans le Sud malgache

Plage de Tulear dans le Sud malgache. Crédit photo : Line Le Gall, MNHN

samedi, novembre 7 2009

Paris-Pemba


Pour nous, ça commence maintenant. Une partie de l’équipe est déjà sur place au Mozambique depuis quelques jours. D’autres arriveront plus tard. Aujourd’hui, nous sommes cinq au départ de Roissy : trois entomologistes, un grimpeur et votre serviteur.
Pour nous rendre dans l’hémisphère sud, nous prenons un vol pour Londres. D’Heathrow, nous embarquons pour Johannesburg. 11 heures plus tard, nous arrivons dans le plus grand aéroport d’Afrique, ultramoderne et prêt pour la coupe du monde de foot 2010. Nous y avons un premier aperçu de la faune africaine, sur le mode folklorique

Zèbre mort

 Peau de zèbre, Jo’burg airport, 7.26 AM.


Dans l’attente du prochain avion, les entomologistes parlent de leurs recherches, dans une langue ésotérique pour le commun des mortels. Point commun entre ces chasseurs d’insectes : ils sont tous tombés dans l’entomo enfants et ont fait de leur passion leur métier.
Le vol Jo’burg-Pemba nous fait survoler une grande partie de notre pays de destination. Le paysage est brûlé, c’est la fin de la saison sèche. Vu du ciel, le Mozambique est une longue terre aride parfois striée de fleuves tentaculaires, comme le Zambèze, et de reliefs inattendus, tels ces monts tabulaires surgissant de la plaine sans prévenir.

Le Mozambique vu du ciel

Le Mozambique vu du ciel.


Sur le tarmac de l’aéroport de Pemba, la chaleur écrase les passagers venus de l’automne européen et assommés par 30 h de voyage. Quelques bagages manquent à l’appel, c’était quasiment prévu. Personne ne s’inquiète, ils arriveront (probablement) dans la semaine.
Nous sommes accueillis par Roland Fourcaud, le logisticien de l’expé. L’homme a baroudé plus qu’à son tour (organisation de raids, urgence humanitaire…), nous sommes entre de bonnes mains. Nous avons un bout d’après-midi devant nous. Certains se mettent déjà au travail.

Olivier Montreuil

Olivier Montreuil, entomologiste en quête de scarabées moins d’une heure après être descendu de l’avion.



D’autres en profitent pour découvrir Pemba. C’est une ville de 200 000 habitants, aux routes de poussière et aux constructions précaires. Une ville pauvre mais en croissance, à l’image du pays. Pemba vit du bois, de l’agriculture, de la pêche, de la chasse. Deux compagnies de prospection pétrolière génèrent un peu d’emploi. Une industrie touristique voit le jour, en dépit du manque d’infrastructures. Un tour à la plage nous permet de faire très rapidement connaissance avec les vendeurs d’artisanat locaux. Nous évoluons déjà dans un monde éminemment différent de celui que nous avons quitté la veille, quand nous changions à Châtelet. Nous ne sommes pourtant pas encore arrivés, loin de là.
Programme pour demain : lever à 5 h avant d’avaler 8 heures de route et de piste pour atteindre le campement installé dans le bush près du village de Nhica de Rovuma, à la frontière tanzanienne. Là, nous serons vraiment « into the wild ». Châtelet nous paraîtra irréel et probablement absurde. Place ensuite au travail de collecte pour les chercheurs. Les emplois du temps sont serrés et seront sûrement modifiés, car on ne planifie pas l’Afrique. L’imprévisible guette, ce qui est mauvais pour la science et bon pour l’aventure. Une chose est sûre : la semaine prochaine, nous recevrons, au cœur de la forêt, la visite d’un chef d’état.

mardi, novembre 3 2009

Le jour d’avant

La période que nous allons couvrir avec ce blog n’est que la partie émergée de l’iceberg. Avant la phase de terrain, des dizaines de personnes ont fourni des milliers d’heures de travail pour monter ce programme. Outre les montages administratif, financier et humain du projet, des équipes légères ont déjà effectué deux missions de repérages au Mozambique en 2008.

Au retour de notre expédition, il faudra traiter les données collectées, trier, comparer, nommer les nouvelles espèces. Avant de recommencer quelques mois plus tard à Madagascar.

La forêt mozambicaine

La forêt mozambicaine sera le terrain d'exploration dès novembre 2009 [© Olivier Pascal|PNI].




Ce court mois de terrain est donc précieux. Pas de temps à perdre sur place, les préparatifs se doivent d’être minutieux.

Si les naturalistes partent avec leurs filets, leurs bocaux et leur montgolfière (nous y reviendrons), voici le matériel du blogueur : un appareil photo caméra, un ordinateur et un terminal de transmission qui permettra d’envoyer textes et images via un satellite situé au-dessus de la RDC (non, les forêts du Mozambique ne sont pas équipées Wifi). Sans oublier un bon vieux calepin avec son stylo.

Nous sommes à J-2. Le premier billet posté depuis la forêt le sera le 8 novembre, si la mallette satellite fonctionne...