
Les mousquetaires de la plongée : Pascal Bigot, Laurent Albenga, Patrice Petit de Voize (qui remplit également le rôle d’homme providentiel dans les situations périlleuses).
Le jour est à peine levé et le port est calme. L’équipe embarque sur le Bombard, un zodiac filant à 30 nœuds, boosté par un moteur de 115 CV. A bord, trois cadors de la plongée sous-marine : Laurent Albenga, responsable de collection au MNHN, Pascal Bigot, dentiste dans le civil, et Patrice Petit de Voize. Ce dernier a effectué sa première plongée en 1958. Il en compte désormais 8500. A 66 ans, ce Breton ayant baroudé sur toutes les eaux du globe est ce qu’il est convenu d’appeler un vieux loup de mer, doublé d’un conteur hors-pair.
Chaque jour, ces hommes plongent à la recherche de la vie sub-aquatique. Leurs outils : la brosseuse (qui permet de recueillir les micro-organismes en frottant les pierres) et l’aspirateur sous-marin (plus couramment appelé suceuse).

Ce drôle d’engin est un aspirateur sous-marin.
Le lieu d’exploration est choisi grâce aux informations du sonar. Nous voilà aux alentours de la Pointe Evatra, au bout de la baie de Fort-Dauphin. Les plongeurs vont descendre à 22 mètres pour inspecter un fond de roches granitiques où cavernes et autres anfractuosités regorgent peut-être de bonnes surprises biologiques.
Ce matin, une houle assez sérieuse anime les eaux. Ce qui permet aux deux journalistes embarqués de découvrir les joies du mal de mer. Mais cette houle de surface affecte aussi sérieusement les conditions sous-marines. La visibilité est réduite (2 mètres) et les plongeurs sont chahutés par les courants. A leur remontée, ils sont à plus de 150 mètres du bateau. Il faut lever l’ancre pour aller les récupérer. C’est ce moment que choisit le moteur pour lâcher.
Impossible de le redémarrer. Nous sommes livrés aux flots qui nous rabattent vers la côte. Les récifs s’approchent dangereusement. Et nous avons trois hommes à la mer qui s’éloignent jusqu’à devenir invisibles. Le pilote est dépassé par les évènements. Le moteur ne veut rien savoir. A quelques mètres de nous, les déferlantes se fracassent sur d’énormes rochers pas franchement accueillants. Motivés par l’idée de rester en vie, les deux journalistes pagayent frénétiquement en sens inverse.
Emporté par son mouvement, l’un d’eux passe par-dessus bord pour pimenter une situation qui n’avait pas besoin de ça. Cela pourrait être drôle ; nous n’avons pas le temps de rire. Remonter sur un zodiac sans échelle par forte houle n’est pas une chose aisée. Mais, toujours poussé par cette idée que la vie, c’est pas si mal, Rouletabille bondit sur le pneumatique et reprend sa pagaie. Une tortue passe. Pendant ce temps, Patrice Petit de Voize a entamé une course vers le zodiac en palmant à contre-courant. Il parvient à nous rejoindre et se hisse à bord comme un jeune homme. Performance. Quelques minutes de suspense plus tard, il réussit à ranimer le moteur. Merci monsieur.
Nous fendons l’écume pour aller récupérer Pascal et Laurent, à 400 mètres de là. Ils ont dérivé pendant près d’une demi-heure. Tout va bien. Même la collecte du jour est sauvée.
Bilan des opérations : un genou cabossé, une brûlure de méduse, quelques doigts entaillés par les cordes, un seau de vomi et la science, imperturbable, qui poursuit son chemin. En rentrant au port, quelques dauphins viennent nous saluer. Il est 10 h du matin. Ce sera une belle journée.